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  • 10 de enero - 16 de enero

  • La médiation du contenu externe - Le troisième étage sémantique Albert Dechambre

    p.114. La signification, c'est de l'information, et la psychologie c'est du calcul et de la syntaxe.

    p.115. La sémantique informationnelle rencontre une limite rédhibitoire qui est le problème quinéen de la scrutabilité de la référence.

    p.119. "L'atomisme sémantique est l'idée que la signification de vos mots - mutatis mutandis, les contenus de vos pensées - est métaphysiquement indépendant des inférences que vous êtes préparés à tirer. En ce sens, c'est l'idée que la sémantique ne fait pas partie de la psychologie. Je pense que les casse-têtes à propos de la scrutabilité montrent que l'atomisme sémantique est probablement faux dans cette forme forte. L'ontologie d'un langage ne survient pas seulement aux connexions esprit / monde seulement, mais aux connexions esprit / monde plus la syntaxe logique." (Jerry A. Fodor, The Elm and the Expert, 1994, p. 76-77)

    p.122. En bref Fodor veut concilier Turing (l'esprit est computationnel) et Dretske (le contenu est informationnel).

    Fodor revient sans cesse sur cette idée élémentaire que pour construire une théorie sémantique digne de ce nom, qui puisse être appliquée aussi bien aux représentations mentales qu'aux expressions linguistiques, aussi bien dans la communication ordinaire que dans la pensée scientifique, il faut disposer d'éléments stables restant identiques au cours des processus de pensée. Comme les briques, ces objets doivent être indépendants les uns des autres, résistants et réutilisables. Fodor exprime cela en disant que la signification est verticale, atomique et robuste (contenu = information + robustesse). Toute la partie sémantique de l'œuvre de Fodor est une exploration et une défense opiniâtres de ces principes et un rejet de toute forme horizontale de sémantique fondant la signification sur des relations entre symboles.

    p.136. Les animaux utilisent des représentations mais ne pensent pas encore parce qu'ils ne savent pas qu'il font ainsi. Le langage sera l'étape suivante déterminante car elle rend possible des discriminations de plus en plus fines et sans limites sur les objets et sur les événements. Cette capacité est ce que les logiciens ont appelé l'intensionnalité (avec un s). Le point de vue évolutionniste établit un rapport avec l'intentionnalité-avec-un-t: l'intensionnalité-avec-un-s est une forme d'intentionnalité à l'œuvre dans le langage.

    p.184. Il faut, je crois, comme Dennett penser la conscience comme une interface en mesure d'organiser le champ sémantique.
    Cette première partie avait pour objectif de montrer les limites de l'approche externaliste des phénomènes sémantiques tout en acceptant son hypothèse fondamentale d'un contenu externe et objectif. J'ai examiné trois types de théories du contenu: externalistes, interprétatives et subjectivistes dans le contexte général de la naturalisation de l'intentionnalité.

    La naturalisation soulève deux grandes questions:

    1. La représentation: comment expliquer de manière non sémantique les phénomènes représentationnels?

    2. L'efficacité des états représentationnels: comment relier la sémantique au comportement, donc aux sciences naturelles comme la biologie ou la psychologie.

    Quatre réponses très générales ont été proposées:

    1. C'est la notion d'information véhiculée par un signal qui explique l'origine des représentations et la notion de fonction biologique sélectionnée au cours de l'évolution. Le contenu se rattache à la psychologie ou à la biologie.

    2. Les états mentaux et leurs contenus sont inséparables de l'activité intentionnelle qui n'est réductible à aucune science.

    3. Le contenu résulte d'un processus d'interprétation. Il peut être traité indirectement par toutes les sciences et notamment par la psychologie cognitive.

    4. Le contenu résulte de l'activité de la conscience qui est un phénomène biologique, mais aucune science actuelle n'est en mesure de donner une explication appropriée.

    p.186. La thèse que je défendrai dans la deuxième partie est qu'un contenu externe ayant une dimension horizontale émerge des transactions de type symbolique entre l'esprit et la partie de son environnement qui est devenue culturelle. Dans le contenu externe initial s'introduisent des médiations qui devront être examinées selon leurs différentes modalités verticales et horizontales. Nous aurons besoin de la conscience pour "lire" et "activer" ces significations grâce à l'aspectualité sociale que ces représentations construites socialement manifestent. Nous serons en mesure de dépasser le clivage externe/interne si nous traitons les objets culturels à la fois comme des supports de contenu et des contenus à part entière. Ce sont en réalité des objets internes de l'esprit qui sont des répliques de représentations mentales ou qui se substituent à elles.

    p.189. Dennett nous a mis sur une voie plus prometteuse en établissant un lien direct entre le fonctionnement de la conscience et le fonctionnement du langage. Il a en outre posé le caractère social de la conscience.

    p.190. La capacité de lier des représentations entre elles et d'en produire de nouvelles est un fait massif relatif au fonctionnement de l'esprit humain et de la psychologie intentionnelle.
    p.212. Le contenu sémantique a une dimension métaphysique qui transcende ou est antérieur à toute investigation scientifique même si la science doit nous aider à l'atteindre

    p.214. Les mécanismes d'apprentissage et de compréhension n'ont pas pour fonction première de produire des représentations et des contenus, de les ajuster si nécessaire, mais de produire des appariements efficaces entre types d'événements, les uns internes et les autres externes. L'esprit humain fonctionne comme un bricoleur produisant et réparant sans cesse des artefacts, si ce n'est qu'il fonctionne à des rythmes différents, celui de l'évolution ou de l'apprentissage selon les cas.

    p.216.

    Le philosophe se voit sommé de donner des arguments empiriques en faveur de la conception sémantique qu'il défend. L'externaliste doit expliquer l'efficacité des contenus sémantiques et les contraindre suffisamment pour que les états qui les représentent puissent "tenir" dans le cerveau. L'internaliste doit expliquer la complexité du fonctionnement mental et proposer une théorie sémantique qui en rende compte. Il semble que le sémanticien qui se préoccupe des représentations symboliques explicites soit en bien meilleure position parce qu'il dispose d'un laboratoire à l'échelle de la société entière où il peut observer les phénomènes. Ma réflexion se situe entre ces deux champs sémantiques.

    p.240.

    A partir d'un substrat physique composé de faits bruts, la conscience donne naissance aux faits mentaux, et l'intentionnalité collective et le langage donnent naissance aux faits sociaux et institutionnels. Bien qu'il y ait continuité entre la chimie du cerveau et les états mentaux, ceux-ci doivent être distingués de simples états physiques parce qu'ils sont potentiellement conscients.

    p.253.

    Au sens journalistique, l'événement provient d'un choix entre une masse de faits qui forment un fond, alors qu'au sens philosophique, ce sont les événements qui occupent le fond d'où sont extraits des faits grâce à la médiation du langage.

    p.255. Pour la sémiotique, la signification est une relation entre une portion d'expérience sensible et une portion du monde connaissable. Cette relation est possible grâce au code qui agit comme une interface entre le stimulus, dépourvu comme tel de sens, et le référent identifié comme tel au moyen du signifié.

    p.272. le processus initial de production du sens qui a été exposé jusqu'à présent est incomplet car il s'arrête aux stimuli frappant les systèmes sensoriels ou aux qualités perçues, aussitôt enrôlées comme entités. Cette analyse reste prudente car elle se dispense d'un examen des propriétés du monde qui donnent lieu à ces qualités. Et cet examen nous entraîne sur une pente glissante, celle des questions ontologiques. Umberto Eco45 propose une approche quelque peu différente de la sémiose parce qu'il ne s'interroge pas sur les données perceptives mais sur la manière dont les matériaux naturels de la signification peuvent être élaborés avant de donner lieu aux significations publiques. Il tente de dégager la base naturelle de la signification au moyen de ce qu'il appelle des primitifs sémiosiques et ensuite au moyen du type cognitif. Entre l'activité purement perceptive et l'activité purement sémiotique s'ouvre un espace pour une activité pré- ou proto- sémiotique.

    p.273. La visée d'un sens qui excède ce qui est déjà en puissance dans la structure du langage, matrice de toute interprétation, est reconnue comme la condition de production d'un sens réellement inédit.

    On peut en effet dénombrer trois strates dans la sémiose:

    1. La part de l'objet antérieure à toute élaboration cognitive qui fournit la base naturelle de la signification. C'est le moment iconique de la sémiose qui nous livre les primitifs sémiosiques et de ce fait nous donne à voir la métaphysique sous-jacente à la sémiotique. C'est la part qui, de mon point de vue, correspond à une conception externaliste du sens.

    2. La part du sujet cognitif qui est de porter une attention sur ce qui se manifeste dans le monde (ce qui est une visée proprement référentielle), et ensuite, grâce à la symbolisation, d'entamer sa mise en ordre. C'est le moment digital de la sémiose ou de l'élaboration des types cognitifs. C'est de mon point de vue le moment de la médiation. Je dis bien "de mon point de vue" puisque le cœur du débat se situe ici.

    3. La part de la culture qui organise et stabilise le flux sémiosique primitif, qui impose ses contraintes au sujet cognitif. C'est le moment des significations et des encyclopédies. C'est aussi le moment où l'externalisme devient culturel et où la médiation devient un mécanisme sémantique à part entière.

    p.274.

    C'est le sens de l'être en tant qu'être qui importe pour le sémanticien comme pour le métaphysicien: La première des significations de l'être est l'essence, ce qui signifie (sêmainei) la substance (ousia) . L'essence est du point de vue sémantique ce qu'est censé capturer la signification ou encore la définition.

    p.275.

    La raison pour laquelle une interprétation de "ce qui est" et de "ce que nous disons" est nécessaire découle de la compréhension que nous avons d'un énoncé: il implique un choix, une perspective, un point de vue, il est sujet aux révisions, etc.

    p.277.

    Les modèles externalistes qui ont une visée référentielle font du prétendu sens interne un instrument de médiation permettant d'atteindre le véritable sens externe, alors que les modèles internalistes et sémiotiques intègrent les médiations comme des instruments de production de sens.

    p.278.

    Les sémanticiens informationnels nous ont habitués à cette idée qu'il importe peu que nous puissions définir avec précision et de manière intersubjective les propriétés qui forment le contenu de nos perceptions ou de nos jugements.

    C'est je crois une façon convaincante d'exprimer la conviction externaliste minimale selon laquelle il existe bien un noyau de sens qui procède uniquement du référent.

    p.286.

    la préoccupation obsessionnelle d'un Fodor: ancrer la sémantique dans un réel qui n'est pas construit mais donné.

    p.291.

    Lorsque nous nous demandons quelle peut être l'ontologie de la référence, nous avons l'intuition qu'il ne peut s'agir que du réalisme externe ou métaphysique80 dans la mesure où référer à consiste à passer au dessus de nos modes de présentation pour viser directement une réalité qui n'est plus dépendante de nos moyens linguistiques. Le terme "eau" par exemple se réfère à H2O dans n'importe quel monde possible. Traduit dans les termes du réalisme métaphysique, "être H2O" constitue la description unique et vraie de la substance à laquelle nous nous référons avec le nom "eau". Pour les uns, le réalisme métaphysique exprime le point de vue d'un esprit divin ou infini, pour les autres, c'est l'idée régulatrice de la science. A l'instar de Putnam, Eco lui substitue un réalisme interne et faillible car il dépend de "l'Esprit de la communauté", c'est-à-dire de la communauté des experts (de manière conséquente, Putnam décrit la vérité comme "acceptabilité rationnelle idéalisée"). C'est la première partie de la réponse. Mais il n'en reste pas moins que du point de vue sémiotique, comme du point de vue scientifique d'ailleurs, un acte de référence a une visée ontologique: nous avons besoin de l'idée régulatrice de la référence ontologique pour nous référer contractuellement et pragmatiquement .

    Nous avons besoin d'une forme de réalisme pour entamer des négociations, exactement comme l'acheteur et le vendeur doivent s'accorder sur l'objet de la vente. Et selon moi, c'est bien le sens commun qui nous en impose l'intuition. C'est un fait remarquable et commun à la sémiotique, au naturalisme de Searle et à l'externalisme de Fodor d'en arriver à la même conclusion qu'une forme de réalisme est impliquée dans toute activité signifiante. Chez Searle, la réalité sociale à laquelle appartient le langage n'a de sens que par rapport à une réalité indépendante que la première transforme et exprime symboliquement. Pour Fodor, la caractéristique essentielle du sens est d'être robuste, et cette robustesse provient de la nature externe du sens. Pour Eco, le sens ne peut se construire que sur un ailleurs du sens, qui est précisément d'ordre ontologique. Sans "l'irréfutable réalisme de base", aucune base naturelle de la sémiotique ne peut être envisagée, et c'est dans l'idée fondamentale d'iconisme primaire que nous comprenons ce qui, du réel, sera toujours un donné. Je réunirai ces trois positions en disant que toute sémantique est soumise à des conditions externes qui rappellent opportunément que la sémantique est d'abord l'étude d'une relation entre deux entités hétérogènes: des représentations et des "choses" dans le monde.

    p.307.

    Fodor ne nie pas que nous apprenons certains concepts en apprenant leur définition, ni que nous ne recourons jamais aux inférences, notamment pour les concepts complexes . Il affirme seulement que l'apprentissage des concepts par définition ne peut constituer "toute l'histoire" en matière d'acquisition des concepts et certainement pas nous livrer le contenu sémantique.

    p.310.

    Sans nous entraîner trop loin dans la discussion du statut épistémologique de la sémantique, on peut dire ceci: La conception informationnelle et la conception sémiotique rejettent toutes deux la conception vérificationniste incapable de donner à la signification stabilité et robustesse. Mais alors que la première se tourne vers le monde pour trouver ce point de référence et de stabilité, la seconde se tourne vers la société. Les sémiotiques sont bien des systèmes publics dont certains sont en mesure d'exprimer nos théories scientifiques sur le monde. Fodor exprime cette préoccupation majeure de la sémantique ainsi: les expériences n'ont de valeur que si les contenus des croyances qu'elles induisent sont informatifs sur le monde. Nous avons besoin d'une sémantique externaliste pour expliquer pourquoi les contenus des croyances doivent avoir quelque chose à voir avec la manière dont le monde se présente. Nous avons besoin d'une sémantique externaliste pour expliquer comment la stratégie expérimentale fonctionne." (Jerry A. Fodor, The Elm and The Expert, 1994, p. 98)

    pp.327-328.

    Voici une analogie qui conteste la division tranquille du travail entre philosophes du sens et psychologues des mécanismes de médiation et qui laisse supposer que des processus psychologiques peuvent être transformés en objets sémantiques authentiques. Prenons le travail de la création littéraire: l'écrivain se livre à d'intenses activités cognitives obscures et moins obscures, plus ou moins conscientes, qui aboutissent à des traces sur le papier ayant un contenu sémantique. Ce sera par exemple la perception d'un arbre qui déclenchera des pensées sur la nature ou la permanence, ou celle d’une statuette posée sur la cheminée qui évoquera un voyage, une citation, etc. On aboutit ainsi à une intrication des processus psychologiques et des processus symboliques qui fait de la sémantique un compagnon de tous les instants. La séparation supposée entre la sémantique et la psychologie devient alors aussi ténue que l'on veut. Il y a un va-et-vient permanent entre visée référentielle et visée symbolique. Mais la signification de l'œuvre lue aura perdu ces traces signifiantes éphémères.

    Quelle conclusion tirer de cette analogie? Sans doute que la médiation du langage étant très riche symboliquement, elle affecte nécessairement certaines expériences du sujet et vient brouiller le contenu externe initial, s'il a vraiment existé. Dennett dirait que l'expérience elle-même est un assemblage variable d'éléments perceptifs et symboliques qu'il est impossible de décomposer. Il donne donc plutôt raison à la sémiotique dans son approche du sens. L'externalisme de Fodor pour sa part ne voit dans le langage qu'un instrument à visée référentielle et de communication.






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